L’Inde aux deux visages : Dalip Singh et le Mahatma Gandhi
Une image marquante restée gravée dans ma mémoire depuis mes années d’écolière à New Delhi est celle de Gandhi à Londres. Elle représente Gandhi dans sa quintessence : son corps émacié et la nudité frappante de ses jambes rachitiques exposés sous un pagne blanc et un châle semblant vouloir s’effilocher et glisser de son corps à tout instant, tout comme les lunettes perchées au bout de son nez et les sandales dans lesquelles il avait glissé ses pieds nus. Offrant l’image même du délabrement physique et de l’inélégance vestimentaire, Gandhi est entouré d’Anglais portant de manière désinvolte leurs chapeaux, vêtus de costumes rayés et de solides et reluisantes chaussures noires. Cette photographie, je m’en souviens, avait provoqué en moi toute une série d’émotions contradictoires, un respect empreint d’affection pour le vieil homme qu’on nous avait appris à vénérer comme Bapu, le père de la nation, quand nous étions enfants, mais aussi un sentiment d’irritation frôlant la gêne devant l’image délabrée de notre pays que Gandhi présentait au monde.